Article: le parrainage privé des réfugiés au Québec, que savez-vous? Décembre 2015

Article initialement publié dans le journal en ligne Faits et Causes en décembre 2015.

Par Coline Bellefleur et Lauren Lallemand (coordonnatrice du programme de parrainage chez Action Réfugiés Montréal)

Partie 1 sur 4: Généralités sur le parrainage privé des réfugiés

 

1.     Qu’est-ce que le parrainage de réfugiés?

 

Au Québec, on parle de parrainage de réfugiés lorsque le gouvernement, un organisme sans but lucratif ou un groupe d’individus entreprend des démarches visant à permettre l’immigration de réfugiés en provenance de l’étranger, afin que ces derniers puissent s’installer au Canada en tant que résidents permanents. Il existe deux grandes catégories de parrainage des réfugiés: étatique (par le gouvernement, selon des conditions et quotas préétablis par le gouvernement) et privé (par un organisme sans but lucratif ou par un groupe d’individus se portant garants pour le réfugié). Cet article a pour objet le programme de parrainage privé des réfugiés, et concerne seulement les règles applicables à la province du Québec. 

 

2.     Comment se fait le parrainage privé des réfugiés ?

 

Le parrainage privé au Québec peut être fait de trois façons: par un organisme sans but lucratif, par un groupe de deux à cinq personnes résidents du Québec, ou par un organisme associé à un résident du Québec (formule mixte). Les particuliers doivent dans tous les cas résider dans la localité prévue pour l’établissement de la ou des personnes parrainées et démontrer certaines capacités financières. Les organismes qui souhaitent parrainer des réfugiés doivent également remplir certains critères financiers, en fonction du nombre d’individus qu’ils souhaitent parrainer.

 

Une fois les réfugiés arrivés au Québec, les parrains sont responsables, durant un an minimum, de leurs besoins financiers (logement, nourriture, frais de déplacement, soins de santé non-couverts par la RAMQ, etc.). Ils doivent également soutenir le réfugié dans son processus d’installation et d’intégration à la société québécoise, incluant la recherche d’emploi, l’ouverture d’un compte bancaire ou encore l’apprentissage du français.

 

3.     Le programme de parrainage privé des réfugiés existe-t-il à travers tout le Canada?

 

Oui, mais les règles applicables ne sont pas exactement les mêmes pour la province du Québec. Assurez-vous donc de bien lire les conditions énoncées sur le site du Ministère de l’Immigration du Québec. Par exemple au Québec, un groupe de deux ou trois personnes pourra parrainer un réfugié, sous réserve d’avoir les ressources financières nécessaires, alors que dans le reste du Canada, le groupe doit être composé de cinq personnes.  

 

4.     Le programme de parrainage privé des réfugiés s’adresse-t-il seulement aux réfugiés syriens?

 

Non, le programme de parrainage privé des réfugiés a été mis en place il y a plus de 30 ans. Il est ouvert à toutes celles et ceux qui remplissent les critères. A titre d’exemple, l’année dernière, des familles érythréennes (en provenance d’Israël), congolaises (en provenance d’Ouganda) et burundaises (en provenance du Rwanda) sont arrivées au Québec dans le cadre d’une demande de parrainage.

 

5.     Existe-il des quotas pour le parrainage privé de réfugiés?

 

Les quotas s’appliquent uniquement aux organismes. Il n’y a pas de quotas pour les parrainages de réfugiés déposés par des groupes de deux à cinq personnes.

 

6.     Qui peut être parrainé dans le cadre de ce programme?

 

Lorsque l’on parle de parrainage de « réfugiés » au Québec, il s’agit en réalité de deux catégories de personnes: celles qui pourront démontrer qu’elles remplissent les critères d’un réfugié au sens de la Convention outre-frontières de Genève et celles qui entrent dans la catégorie de « personnes de pays d’accueil ». Il faudra aussi que les réfugiés concernés se trouvent en dehors de leur pays de nationalité ou de résidence habituelle. Ainsi, vous ne pourrez pas parrainer de réfugiés syriens s’ils se trouvent encore en Syrie. De même, un réfugié qui retournerait dans son pays pendant le processus de traitement de la demande court de grands risques de voir sa demande de parrainage rejetée, car les critères à remplir doivent l’être durant toute la durée de traitement de la demande.  

 

Un réfugié au sens de la Convention doit démontrer qu’il craint une persécution du fait de sa race, de sa religion, sa nationalité, son appartenance à un groupe social particulier ou ses opinions politiques.

 

Un réfugié de la catégorie « personne de pays d’accueil » n’a pas besoin de démontrer une persécution individuelle du fait d’une quelconque appartenance, il doit cependant démontrer avoir subi et continuer à subir des « conséquences graves et personnelles » en raison d'un conflit civil ou armé ou d'une violation massive des droits de la personne dans son pays de nationalité ou de résidence habituelle.

 

Dans tous les cas, le réfugié doit prouver qu’il se trouve en dehors de son pays de nationalité ou de résidence habituelle et qu’il ne peut pas en réclamer la protection. Il doit enfin se trouver dans une situation où il n’y a pas de probabilité raisonnable de trouver une solution durable dans un délai raisonnable, telle que l’intégration dans le pays d’accueil où il se trouve. Il est donc important de noter qu’il ne suffit pas de venir d’un pays en guerre pour être admissible au parrainage.

 

Les personnes réfugiées qui souhaitent se faire parrainer devront se soumettre à une entrevue à l’ambassade canadienne de leur pays d’accueil. Si elles sont admissibles, ainsi que leurs parrains, elles devront ensuite passer un examen médical, un contrôle sécuritaire et un contrôle de criminalité avant de pouvoir être acceptées au Canada.

 

Le parrainage de réfugiés est ouvert à celles et ceux qui sont reconnus comme tels par le Haut Commissariat des Nations Unis pour les Réfugiés (HCR) ou par un État étranger, aussi bien qu’à celles et ceux qui ne le sont pas. La décision ultime appartient dans tous les cas au Canada et les agents d’immigration ne sont pas obligés de reconnaitre les décisions du HCR ou d’un État étranger. Considérant la condition relative à l’absence de solution durable dans le pays d’accueil, les réfugiés vivant dans des États signataires et respectueux de la Convention de Genève seront généralement exclus du programme de parrainage. Par exemple, vous ne pouvez pas, par le biais de ce programme, parrainer un réfugié syrien vivant en Allemagne.

 

A noter également que des règles additionnelles spécifiques s’appliquent pour les réfugiés en provenance de la Turquie, y compris pour les demandes de parrainage déposées au Québec.

7.     Peut-on parrainer des orphelins ?

Non, il n’est pas possible de parrainer des enfants mineurs non accompagnés. En revanche, vous pouvez choisir de parrainer une famille avec enfants. Vous pouvez également choisir de parrainer un adulte seul, homme ou femme, ou plusieurs adultes célibataires si vos ressources financières vous le permettent.

 

8.     Qui choisit les réfugiés à parrainer ?

 

Dans le cadre du programme de parrainage privé du Québec, vous avez la responsabilité de déterminer qui vous souhaitez parrainer. Si vous ne connaissez pas de réfugiés, vous pouvez vous adresser aux membres et organismes de certaines communautés qui pourront éventuellement vous mettre en relation avec des réfugiés qui souhaitent venir au Canada. Au niveau fédéral, le gouvernement a mis en place un mécanisme de jumelage des familles de réfugiés avec des répondants privés : le Programme mixte des Réfugiés Désignés par un Bureau des Visas (RDBV). Il n’existe cependant pas de dispositif équivalent au Québec.

 

9.     Qui prend en charge le voyage des réfugiés parrainés pour venir au Canada?

 

C’est le gouvernement qui avance les frais de transport aux réfugiés sélectionnés à l’étranger. Ce prêt à intérêts devra ensuite être remboursé par le réfugié dans l’année qui suit son arrivée au Canada. Les parrains ne sont pas responsables de cette dette envers le gouvernement.

 

10.  Quels sont les délais de traitement d’une demande de parrainage de réfugiés?

 

Le traitement initial de la demande au Canada (première étape) dure approximativement trois mois. Le dossier est ensuite transféré à un bureau des visas à l’étranger (seconde étape). Pour cette seconde étape, les délais varient environ d’un à cinq ans, selon le bureau des visas qui a la responsabilité de traiter la demande. A noter toutefois qu’à l’heure actuelle, un effort gouvernemental est fait pour accélérer les demandes déposées par les réfugiés syriens, qui arrivent parfois dans un délai de quelques mois seulement après le dépôt d’une demande de parrainage. Dans d’autres cas en revanche, les délais de traitement d’une demande peuvent dépasser cinq ans.

 

A titre d’exemple, le délai moyen actuel pour le bureau des visas du Liban est de 11 mois, alors qu’il est de 59 mois pour le bureau des visas du Kenya et de 51 mois pour celui du Ghana.

 

11.  Existe-t-il un recours en cas de refus d’une demande de parrainage ?

 

Oui, vous pouvez déposer une demande de contrôle judiciaire à la Cour Fédérale du Québec, dans un délai de 60 jours suivant la réception de la décision négative par le réfugié.

 

 

Partie 2 sur 4: Le parrainage par des groupes de deux à cinq personnes

 

 

12.  Mon conjoint et moi-même souhaitons parrainer des réfugiés sans nous associer à d’autres personnes, est-ce possible ?

 

Oui, si vos revenus sont satisfaisants et si vous respectez les autres critères établis par le Ministère de l’Immigration du Québec. Vous constituerez alors un groupe de deux personnes et vous pourrez déposer une demande de parrainage dans la catégorie des groupes de deux à cinq. Par contre, il faudra dans ce cas pouvoir justifier de revenus assez élevés. Par exemple, dans le cas d’un couple avec un enfant qui souhaiterait parrainer un seul réfugié, l’un des époux doit pouvoir justifier d’un revenu annuel brut d’au moins 33 804$ et l’autre de 25 899$. Il faudra également s’assurer que l’ensemble du revenu familial soit supérieur à 69 609$. Les exigences relatives à la capacité financière seraient bien entendues plus élevées si le couple décidait de parrainer une famille de réfugiés, au lieu d’une personne seule.

 

À l’inverse, une personne peut décider de déposer une demande de parrainage avec d’autres individus, sans que son/sa conjoint(e) ne participe ou ne s’engage à quoi que ce soit. Dans ce cas, elle pourra malgré tout inclure 50% des revenus du/de la conjoint(e) dans l’évaluation de sa capacité financière, avec son accord. Le terme « conjoint » fait ici référence aux personnes mariées et aux conjoints de fait vivant dans une relation maritale depuis au moins un an.

 

13.  Quels sont les revenus minimums requis pour pouvoir parrainer un réfugié par groupe de deux à cinq personnes?

 

Le revenu minimum requis est établi suite à un calcul assez complexe. Un simulateur a été mis en ligne par le Ministère de l’immigration du Québec pour vous guider. Le revenu requis variera notamment en fonction du nombre de réfugiés que vous souhaitez parrainer, mais aussi du nombre de personnes qui dépendent de votre salaire pour vivre (enfants, parents âgés, etc.).

 

Exemple: un groupe de cinq célibataires sans enfant souhaite parrainer un couple de réfugiés ayant un enfant. Chacune des cinq personnes du groupe de parrains devra démontrer un revenu annuel brut d’au moins 27 604$ et le revenu annuel brut total de l’ensembles du groupe devra être supérieur à 138 018$. Notez que si certains de ces cinq célibataires avaient eux-mêmes des enfants, les revenus demandés seraient plus élevés.

 

Si vous n’êtes pas certains de disposer des ressources nécessaires, vous pouvez demander l’aide d’un avocat ou d’un organisme pour évaluer votre dossier (voir section ressources ci-dessous).

 

Veuillez par ailleurs noter que les barèmes financiers seront mis à jour par le gouvernement en janvier 2016.

 

14.  Puis-je faire une levée de fonds pour récolter les fonds nécessaires en vue d’un parrainage par groupe de deux à cinq personnes?

 

Les fonds récoltés par des campagnes de financement ponctuelles faites par les individus ne sont en général pas pris en compte par le Ministère de l’immigration. Si vos revenus réguliers apparaissant sur votre avis de cotisation fiscale (salaires, revenus d’entreprises, intérêts de placement, etc.) ne suffisent pas selon les barèmes établis, vous ne pourrez pas compenser avec des montants d’argent reçus dans le cadre d’une levée de fonds, sauf cas particuliers.

 

Les sommes épargnées ou récoltées lors de levées de fonds pourront cependant alléger le fardeau du groupe de parrains, en leur permettant de limiter l’impact du parrainage sur leurs finances personnelles. Si vos revenus sont insuffisants, vous pouvez également envisager de vous adresser à un organisme, qui acceptera peut-être de déposer la demande en votre nom, en échange d’un dépôt.

 

15.  Le gouvernement demande-t-il un dépôt ou d’autres types de frais?

 

Non, le gouvernement ne demande aucun dépôt ni aucun frais aux individus qui parrainent un réfugié par groupe de deux à cinq. Vous n’avez pas non plus besoin de démontrer que vous avez un montant spécifique en épargne. Par contre, dans les cas de demandes déposées via un organisme, ce dernier exigera généralement le versement d’un dépôt, du montant de son choix.

 

16.  Puis-je accueillir le réfugié ou la famille de réfugiés que je parraine chez moi, au lieu de payer pour le loyer d’un appartement supplémentaire?

 

Oui, rien n’empêche d’accueillir les personnes parrainées chez vous. Il n’existe pas de règles précises à cet égard. Il vous faudra toutefois prévoir un espace suffisant pour que chacun puisse vivre dans des conditions décentes et respectueuses de l’intimité de tous pendant au moins une année complète, puisque vous avez la responsabilité de fournir un logement adéquat aux réfugiés que vous parrainez.

 

17.  Que se passe-t-il si les parrains ne respectent pas leur engagement ?

 

L’engagement pris par les parrains est un engagement solidaire, ce qui signifie que chacun peut être tenu responsable de la totalité de l’engagement. Si, en conséquence du défaut des parrains, le réfugié perçoit de l’aide sociale durant sa première année au Québec, le gouvernement peut poursuivre n’importe lequel des parrains pour exiger qu’il rembourse la totalité des sommes versées. Chacun est responsable de la part des autres membres qui ne respecteraient pas leur engagement.

 

Partie 3 sur 4:

Question sur le parrainage par un organisme sans but lucratif

 

18.  Quelles sont les conditions à remplir par un organisme sans but lucratif qui souhaite déposer une demande de parrainage de réfugiés ?

 

Les organismes sans but lucratif qui souhaitent parrainer des réfugiés devront fournir une copie de leurs bilans, budget et états financiers pour démontrer leurs capacités financières, qui sera analysée de façon globale par le Ministère de l’immigration. Ils doivent également être incorporés et respecter certaines autres conditions, tel qu’exercer des activités au Québec. Les organismes sans but lucratif incorporés, incluant les organismes religieux, peuvent déposer des demandes de parrainage.  

 

19.  Un organisme peut-il faire une levée de fonds pour récolter les montants nécessaires au parrainage de réfugiés?

 

Oui, les donations faites aux organismes sont prises en compte par le gouvernement dans l’analyse globale de leur capacité financière. Il est même fortement recommandé aux organismes de faire des levées de fonds et de mettre de côté les montants qui seront réservés pour couvrir les besoins des réfugiés parrainés à leur arrivée au Québec. Il est également conseillé de préparer un plan financier pour la prise en charge du/des réfugié(e) parrainé(s) par l’organisme. Il est aussi suggéré d’établir un groupe de personnes qui sera responsable de la gestion des différents besoins à l’arrivée des réfugiés au Québec: budget et finances, santé, transport, épicerie, éducation, recherche d’emploi, etc.

 

Attention cependant, une simple levée de fonds, aussi importante soit-elle, ne suffira pas à convaincre le Ministère de l’Immigration quant à la capacité financière de l’organisme. Ce dernier devra également démontrer une bonne santé financière et la possession de ressources stables durant les trois années précédant la demande de parrainage (montants en épargne et/ou propriété de biens immobiliers notamment). Ainsi, dans le cas des organismes sans but lucratif qui ne possèdent aucun bien immobilier, convaincre le Ministère de l’Immigration relativement à la  capacité financière de l’organisme peut s’avérer assez difficile. 

 

20.  Qu’est-ce qu’une entente-cadre? Les organismes qui souhaitent parrainer des réfugiés doivent-ils obligatoirement être signataires d’une entente-cadre?

 

Une entente-cadre est un accord passé entre le gouvernement et certains organismes lorsque ces derniers parrainent des réfugiés sur une base régulière. Elle est en général d’une durée de deux ans et facilite les vérifications et le processus de traitement des demandes. Les organismes concernés ont alors un nombre déterminé de réfugiés qu’ils peuvent parrainer chaque année, en fonction de leur budget. Pour un parrainage ponctuel, il n’est pas nécessaire d’être détenteur d’une entente-cadre. Au contraire, les premiers parrainages se font généralement en dehors d’une telle entente. Les organismes qui souhaiteront ensuite développer cette activité pourront toujours demander à être signataires d’une d’entente-cadre dans le futur.

 

Partie 4 sur 4: Ressources

 

Avocats bénévoles au Québec: Pour être mis en relation avec un(e) avocat(e) en droit des réfugiés (pro-bono ou mandat privé), qui pourra vous assister dans votre demande et répondre à vos questions, contactez la Table de Concertation des organismes au service des personnes Réfugiées et Immigrantes (TCRI) :  

 

Courriel : infoparrainage@tcri.qc.ca

Tel : (514) 272-6060 p. 212

 

Avocats bénévoles hors Québec (Canada): Sponsor support lawyer list

 

Ministère de l’Immigration du Québec :

- Site Internet

- Tel : 514.864.9191

 

Guide gouvernemental du Québec sur le parrainage privé des réfugiés : « Le parrainage collectif des personnes en situation particulière de détresse »

 

Guide d’Action Réfugiés Montréal pour les Églises (applicable aux OSBL en général): consulter le guide (en anglais seulement)

 

Guide de préparation à l’entrevue pour les réfugiés : Consulter le guide en français ou en anglais.

 

Aide à la préparation des formulaires et/ou parrainage par des organismes du Québec : Consulter la liste (non exhaustive)

 

Jumelage: Organismes du Québec pouvant vous désigner des réfugiés en attente de parrains, si vous n’en connaissez pas : consulter la liste (non exhaustive)